• Existe t-il un lien entre racisme et catégorisation ?

     

    Introduction : Pourquoi abordons-nous ce sujet ?

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    En sciences humaines, les catégories sont un outil important du chercheur. Cependant elles n'ont pas le même sens suivant les disciplines.

    Lors d'un débat, nous, une psychologue et un philosophe, avons ouvert un dialogue transdisciplinaire, en toute innocence, sur ce sujet. Nous avons entamé un échange sur la catégorisation et son intérêt. Le danger du racisme fut vite mis en avant. Nous nous sommes aperçus que la psychologie et la philosophie ne détermine pas la même chose en développant ce concept.

    Suite à une divergence d'opinion, nous avons décidé de demander à une tierce personne, « monsieur tout le monde », de nous départager. Cette personne devait ne pas avoir réfléchi à cette problématique du fait de sa profession.

    Un défi fut lancer à chacun : écrire en une page ce que nous inspirent les mots « catégorisation » et « racisme ». Aucune autre consigne ne venait diriger nos écrits.

    Il fut difficile pour chacun de se limiter à une page tant le sujet est vaste. De nombreuses directions de réflexions peuvent être prises, chacun fut libre de choisir sa voie.

     

    Nous vous transmettons ici le résultat de notre réflexion en trois articles. Il est à noter que malgré nos divergences nous sommes tous allés dans une même direction : la danger de l'amalgame et du racisme.

    Les trois auteurs sont, dans l'ordre de parution des articles :

    • Maurice Zygler, ingénieur retraité, notre « monsieur Jourdain », personne par définition neutre. Mais, il a utilisé la catégorisation dans l'utilisation des statistiques.

    • Marguerite Weber, psychologue du travail, impliquée dans la maîtrise des risques psychosociaux et qui, par sa formation, utilise de fait la catégorisation.

    • Stéphane De Bona, philosophe, qui de part son handicap, subit la catégorisation.

     

    Bonne lecture

     

    Lien possible entre racisme et catégorie

     

    La base : une définition

    Le Grand Robert de la langue française définit le racisme par le biais de trois définitions.

    La première fait appel à la théorie des races qui conclut à la nécessité de préserver la race prétendue supérieure de tout croisement et à son droit de dominer les autres.

    La seconde constate une attitude inégalitaire d'hostilité à l'égard d'un groupe ethnique ou l'ensemble des réactions qui, consciemment ou non, s'accordent avec cette attitude. A ce propos, il est bon de préciser qu'une ethnie est un ensemble d'individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture, alors que la race dépend de caractères anatomiques.

    La troisième correspond à l'utilisation figurée du langage populaire, à savoir l'hostilité violente contre un groupe social, qu'il s'agisse du racisme anti-jeunes, de celui envers les intellectuels ou celui envers les femmes.

     

    Catégorie et classement

     

    Le même dictionnaire précise que la catégorisation consiste dans le classement par catégories, notamment en linguistique et en psychologie sociale. Cette définition étant insuffisamment précise pour le sujet abordé, il faut entrer dans la définition de la catégorie.

    Si je reviens toujours vers le dictionnaire cité précédemment, il y a autant de définitions du mot « catégorie » qu'il y a de domaines dans lesquels un classement est possible, à savoir la philosophie, les sciences, la linguistique, les mathématiques par exemple. Mais, notre propos m'amène à retenir la définition relative au classement des individus.

    Dans ce domaine, une catégorie est un ensemble de personnes ayant des caractères communs.

    Il peut s'agir d'une catégorie sociale présentant les mêmes caractéristiques sociologiques, une catégorie socio-professionnelle ou chacune des classes dans lesquelles (selon leur âge, leurs capacités ou leur poids) sont placés les sportifs.

     

    Pas de rapport, « a priori » entre racisme et catégorie

     

    A priori, il n'y a pas de rapport direct entre le racisme qui est une situation d'hostilité et la catégorisation qui est une démarche de classification.

    Mais, en s'y intéressant de plus près, le racisme s'en prend bien à une catégorie qu'il a bien fallu identifier et caractériser avant. Cette catégorisation est partagée par des groupes qui eux mêmes peuvent être catégorisées.

    Ce lien qui apparaît entre les deux termes « racisme » et « catégorisation » est concrétisée par l'expression : « Nous ne sommes pas de cette catégorie de gens qui........ ».

    Le classement pourrait être le fait de personnes qui ne sont pas forcément racistes et l'exploitation raciste du classement peut être mise en œuvre par d'autres. C'est la même situation qui consiste à utiliser le résultat d'une recherche scientifique sur le nucléaire à des fins destructives et non médicales.

     

    Ainsi, je conclurai que le racisme utilise la catégorisation pour sévir, mais que la catégorisation peut avoir des objectifs de classement pour l'analyse et la compréhension de processus.

    Par ailleurs, si le racisme nécessite de catégoriser, la catégorisation n'est pas à l'origine du racisme, tout comme le scientifique découvrant l'énergie nucléaire n'est pas à l'origine de l'esprit destructeur de ceux qui l'utilisent.

     

    Maurice Zygler, citoyen français catégorisé.

     

     

    La catégorisation, pour quoi faire ?

     

    En psychologie sociale, la catégorisation est un processus qui tend à ordonner l’environnement en terme de groupe, de personnes, d'objets, d’événements tenus pour semblables ou équivalents au sein du même groupe.

    Les chercheurs ont besoin de catégoriser pour mieux étudier les interrelations entre les individus ou entre les groupes.

     

    Qu'apporte la catégorisation à l'individu ?

     

    La catégorisation est un mécanisme automatique de l'individu. Il l'utilise pour créer son identité sociale.

    L'Homme a besoin d'appartenir à un groupe tout en se différenciant des autres groupes par une ou plusieurs caractéristiques réelles ou subjectives.

    Une personne peut appartenir à plusieurs groupes, donc à plusieurs catégorisations.

     

    Le danger de la catégorisation : le racisme

     

    Le danger de la catégorisation est le préjugé. Le préjugé est une attitude défavorable envers une personne en raison de son groupe d'appartenance, supposé ou réel.

    En psychologie, le racisme est une forme d'expression des préjugés. Le raciste perçoit d'autres individus ou d'autres groupes n'appartenant pas à son univers social habituel, comme non seulement différents mais inférieurs et dangereuses pour lui.

    Le racisme interdit la différence. Le raciste souhaite dominer, voire annihiler, tous ceux qui ne lui ressemblent pas. Il se sert de la catégorisation pour stigmatiser ses victimes.

     

    La catégorisation dans la vie de tous les jours

     

    Cependant, la catégorisation est une nécessitée pour se différencier les uns des autres pour ne pas être des copies des uns des autres.

    La catégorisation donne un droit à la différence, donc un droit à une existence propre.

    La catégorisation donne naissance à la discrimination. Celle-ci peut être vue comme négative (racisme) ou plus positivement, devenant la discrimination positive.

    Elle permet, par exemple, aux personnes ayant un handicap de se voir octroyés des conditions particulières pour les examens (aide à l'écriture, ordinateur, secrétaire, salle accessible…...).

     

    Pour conclure :

     

    Nous sommes tous des êtres différents. Connaître nos différences devrait permettre de les assimiler pour donner à tous les mêmes chances quelque soit son handicap, son origine, son genre, sa sexualité,…......

    La catégorisation n'est pas néfaste en soi, c'est l'interaction des individus en fonction de leur croyances, de leurs attitudes qui entraîne des exclusions, des violences, …........

    À l'inverse, la « non catégorisation » pourrait être assimilée au racisme, car le racisme interdit la différence.

     

    L'éducation à l'acceptation de la différence est la clé pour que la catégorisation ne donne plus naissance à des préjugés, mais à une entraide (si le besoin en est ressenti) voire à une invisibilité/indifférence de la différence.

     

    Maguerite Weber

     

     

    Les liaisons dangereuses en philosophie

     

    C'est par une simple erreur sémantique que l'humanité risque de courir à sa perte. Le langage et la raison de l'être sont des armes de destruction massive au même titre que l'énergie nucléaire si elles ne sont pas employées à bon escient en respectant leur sens premier (ou objectif attendu).

     

    Les erreurs sémantiques dangereuses.

     

    En philosophie, les catégories servent à classifier des propriétés de l'essence de l'Être. Elles n'ont d'autre but, que de nous faire mieux connaître l'homme en tant qu'Être. Les catégories doivent servir à opérer une différenciation culturelle dans l'humanité.

     

    Les mots accolés « diversité raciale » sont un non-sens appliqué à l'homme. On devrait leur préférer ceux de « différenciation culturelle ». La catégorisation puis la classification par race ne peuvent qu'appauvrir l'humanité et l’amener à son extinction par faute d'une in-adaptabilité.

     

    Pourtant, l'anthropologie du 19ème siècle a réinvesti le concept pour l'appliquer à la morphologie de l'homme. La doctrine raciste revêt un caractère pseudo scientifique à partir de la publication de Gobineau « Essai sur l'inégalité des races humaines » en 1856. C'est à ce moment précis qu'est né une erreur historique tragique. En effet, cette notion appliquée à l'homme ne peut l'entraîner que vers ses plus bas instincts.

     

    Nous devrions parler d'espèce humaine et opérer un changement sémantique profond en substituant le mot « race » par la « reconnaissance de la différenciation culturelle ».

     

    De la classification à la race.

     

    La première forme de racisme est due à une différence morphologique, qui n'a pas lieu d'être, puisque les races sont créées artificiellement par la pensée humaine. En effet, l'homme a amélioré voire créé des races pour le royaume animal, par différents processus de sélection et de croisement. Alors même que cette sélection aurait été faite, sans lui, naturellement soit par une évolution darwinienne, où la sélection naturelle aurait fait son œuvre laissant les plus forts survivre et les plus faibles s'éteindre, soit par une évolution génétique, ne laissant pas la place à la reproduction entre deux espèces voisines (exemple l'homme de Cro-Magnon et l'homme de Neandertal).

     

    La classification pour l'espèce humaine n'a ainsi aucun sens, puisque celle-ci nous aide à créer et à répertorier de nouvelles races. L'homme a procédé à cette classification pour augmenter sa puissance et domestiquer la nature. La création des races n'est rien d'autre qu'un aveu de faiblesse de l'humanité.

     

    Ce que nous appelons, « race » pour l'être humain n'est rien d'autre qu'une différentiation culturelle ou géographique. Le concept de « race » ne peut être décliné pour l'être humain. Il traduit seulement une peur de celui qui n'est pas proche de notre environnement culturel ou une peur issue d'une différence physique qui s'est produite par l'adaptation climatologique et géographique de la population vivant sur un territoire déterminé.

     

    Dans la Rome antique, on dénommait « barbare » l'homme de la cité voisine qui mettait en danger la communauté dans un but de domination et d'extension territoriale. Nous avons affaire, ici, à une deuxième forme de racisme : le racisme de domination avec absorption de la population autochtone. Ce racisme est une vision ethnocentrique de la société colonisatrice.

     

    Une troisième forme de racisme se développe dans les années 30. Le régime nazi s'est appuyé sur la différenciation culturelle produite de génération en génération pour justifier le massacre des juifs, des tziganes et des handicapés.... Ces catégories étant non assimilable, il fallait les faire disparaître par l'extermination. Le Nazisme créa à partir de ces catégories une notion de race définie par lui-même. Il souhaitait appliquer à l'homme le même procédé que pour les animaux. C'est d'ailleurs à cette époque, que la protection animale a connu son premier essor.

     

    racisme

    Ces trois formes de racisme sont issues d'une erreur sémantique : La notion de race ne concerne que le monde animal et ne peut être appliquée à l'être humain.

     

    Stéphane De Bona


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